Soudan : massacres à El Fasher ou le naufrage d'une nation

31 octobre 2025
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Exécutions, viols, famine, villes rasées. Deux années de guerre civile ont poussé le Soudan au bord de l’anéantissement moral et humain. Avec la prise d’El Fasher par les troupes paramilitaires au cours des derniers jours, un nouveau cap dans l’horreur a été franchi.

La principale ville de l’État du Darfour du Nord, dans l’ouest du pays, n’est plus qu’un champ de ruines. Les Forces de soutien rapide (FSR) y ont enfin imposé leur loi, après plus de 500 jours de siège, laissant derrière elles des centaines de cadavres, des hôpitaux bombardés, des familles décimées. Des témoignages crédibles évoquent des exécutions massives, des viols systématiques et des civils empêchés de fuir.

« El Fasher, qui était déjà le théâtre d’un niveau catastrophique de souffrance humaine, a sombré dans un enfer plus sombre encore », a dénoncé, jeudi, le chef des affaires humanitaires de l’ONU, Tom Fletcher, devant le Conseil de sécurité. La veille, près de 500 patients et accompagnants auraient été tués dans la maternité de l’hôpital de saoudien, « le dernier exemple de la dépravation avec laquelle cette guerre est menée ».

Les civils fuient à pied vers les localités voisines de cette région en proie à la famine depuis l’été 2024. À Tawila, plus au sud-ouest, un campement saturé a vu le jour, où les organisations humanitaires parlent de « foules traumatisées » et de « corps amaigris à l’extrême ». 

M. Fletcher a rappelé que 13,5 millions de personnes ont reçu une aide depuis le début de l’année dans le pays, malgré les attaques et les entraves à son acheminement. Face aux événements des derniers jours, il a annoncé avoir alloué 20 millions de dollars du Fonds central d'intervention d'urgence (CERF) des Nations Unies pour le pays.

Massacres en série et villes piégées

Depuis avril 2023, une guerre fratricide oppose les forces armées soudanaises aux paramilitaires des FSR. Aucune région du pays n’est épargnée. En une semaine, les drones ont frappé marchés et villages dans les États du Nil Bleu et de Sennar, dans le sud-est, et à Khartoum, dans le centre. 

Au Kordofan voisin, la ville de Bara est également tombée aux mains des FSR ; des exécutions sommaires y ont visé des civils accusés de « collaboration », parmi lesquels cinq volontaires du Croissant-Rouge soudanais. Environ 25 000 personnes auraient été contraintes de fuir les violences dans la zone, selon  l’Organisation internationale pour les migrations.

« La situation est simplement horrifiante », a constaté Martha Pobee, la Sous-Secrétaire générale de l’ONU pour l’Afrique, devant le Conseil de sécurité. S’agissant des civils demeurés à El Fasher, elle a reconnu que « personne n’est en sécurité  » à l’heure actuelle. Les communications ont été coupées, les rues transformées en pièges, les maisons fouillées une à une.

Ethnicité et impunité

Dans un rapport publié jeudi, une mission établie par le Conseil des droits de l’homme de l’ONU pour enquêter sur les violations au Soudan fait état d’un « schéma délibéré d’exécutions ethniquement ciblées de civils non armés », accompagné de « violences sexuelles, de pillages à grande échelle, de destruction d’infrastructures vitales et de déplacements forcés massifs ».

« Alors qu’El Fasher brûle et que des millions de personnes font face à la famine, le monde doit choisir entre le silence ou la solidarité », a averti Mohamed Chande Othman, président de la Mission, dans un communiqué. Selon lui, la chute de la ville « marque un tournant dévastateur » dans un conflit qui a déjà « anéanti la vie civile et l’État de droit ».

Le rapport met en cause les deux camps pour des « crimes de guerre et crimes contre l’humanité » et réclame la création d’un mécanisme judiciaire indépendant, en partenariat avec la Cour pénale internationale (CPI), pour juger les responsables des crimes les plus graves dans l’ensemble du territoire soudanais.

Une famine qui s’installe

Au-delà des massacres, c’est la faim qui gagne. Plus de 24 millions de personnes, soit 40 % de la population, n’ont pas assez à manger. Trois quarts des foyers dirigés par des femmes sont en insécurité alimentaire. Les travailleurs humanitaires font face à des expulsions arbitraires, à l’instar du directeur du Programme alimentaire mondial, qui a été sommé cette semaine de quitter le pays par les autorités nationales.

L’effondrement est aussi générationnel : 90 % des enfants n’ont plus accès à l’école et près d’un civil sur cinq tué ce mois-ci à El Fasher était un mineur. « Le monde a trahi une génération entière », a résumé M. Fletcher.

Diplomaties à l’arrêt

Face à l’ampleur de la catastrophe, les initiatives diplomatiques peinent à suivre. Le médiateur onusien Lakhdar Lamamra tente de relancer des pourparlers techniques sur la protection des civils, après de timides signaux d’ouverture des deux camps. Un processus plus large est en préparation à Addis-Abeba, sous l’égide de l’Union africaine et de l’ONU, pour poser les bases d’un dialogue intersoudanais.

À l’issue de la réunion de jeudi, le Conseil de sécurité a publié une déclaration condamnant « l’assaut des FSR contre El Fasher et son impact dévastateur sur la population civile », ainsi que les atrocités qui auraient été commises par les paramilitaires. Les membres du Conseil ont exigé la levée du siège de la ville et appelé à un arrêt immédiat des combats pour éviter que la famine et l’insécurité alimentaire extrême « ne se propagent davantage ». Ils ont exprimé leur « grave préoccupation face au risque accru d’atrocités à grande échelle, y compris à motivation ethnique » et réaffirmé la nécessité de garantir la protection des civils, la sécurité des travailleurs humanitaires et l’accès humanitaire sans entrave.

Le Conseil a également exhorté les États à s’abstenir de toute ingérence extérieure susceptible d’alimenter le conflit et rappelé son attachement à la souveraineté, à l’unité et à l’intégrité territoriale du Soudan, rejetant la mise en place de toute autorité parallèle dans les zones contrôlées par les FSR.

« Où est notre conscience ? »

Face à cette situation, Tom Fletcher n’a pas caché sa colère. « Je demande aux membres du Conseil d’étudier les images satellites d’El Fasher : du sang sur le sable. Et d’étudier notre incapacité à agir : du sang sur les mains ».

Il a appelé à un « accès humanitaire total », à « la fin immédiate des atrocités » et à « une pression réelle » sur les responsables de cette guerre. Avant de conclure : « Où est notre diplomatie ? Où sont nos valeurs ? Où est notre Charte ? Où est notre conscience ? ».

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